1.
un accent
brisé
on ne sait dire
aile repliée
oiseau
qui guette
et une lettre expulsée
de la parole
…
strates d’ombre sous
linteau de basalte où
on traverse
nuque couverte
de souffles lourds et
de pages opaques
…
on porte un pavé de langue
morte
des résidus
on s’incline
on soulève sédiments
là où pesaient
sels noirs et
croûtes de silence
…
brûler mains et regard
forage vertical
vers le ciel
gris
dans la poussière
on dénoue
une à une
les herbes du crépuscule
2.
marquer
les bords
encoches et rives
taillées par
des flots minéraux
qui coulent et raclent
noirs substrats de terre
ancienne
…
dans
matières sombres
ciel
nuit
lire est
écart
aveugle
noir
sur noir
noir ou
le nom du noir
on écrit
quels silences ?
…
coutures d’encres
perforent et clouent
tissus saturés de
récits fossiles de
mémoires cristallisées
…
accroupis sont les corps
qui ânonnent
leurs doigts aussi
sont des angles aigus
qui suivent les lignes
3.
puiser dans
livre nocturne
fond de l’étang un
tissu informe
racines noueuses
et herbes
fermentées
…
toiles et fibres
manteaux
aux plis rompus
respirent et pleurent
limons
boues semées de lettres et
de germes anguleux
…
on glissera
une source noire
sous les paupières
cendres et lisières des yeux
sont
arrachées par le vent
quand neigent sur les mains
poussières
toutes bruines
charbonneuses
…
page ou peau
lente
estompe où monte une nuit
mêlée d’éclats d’encre
sèche
…
que reste-t-il
de la langue
quand les encres se brisent
et s’éparpillent ?
4.
des vols d’oiseaux noirs
on entend
gommer le ciel
…
ce qu’on aperçoit
est-il absence
ou rides éclaircies
de la lumière
nocturne ?
…
soif éveillée
partitions infimes
comment nommer
ces filet d’eau
qui érodent
imperceptiblement
les roches sombres ?
…
cristaux et pailles de pierres
noires
emplissent les paumes
quand on ne sait
enrouler les fils
des écritures
qui se défont
…
on ne sait pas
fouler le feutre des livres
quand la lumière cendrée de la lune
glisse sur les mots
on tourne les pages
saturées de poussières
5.
il existe
des rivières sombres
coulant depuis
des sources obscures
forêts épaisses et
rocs entassés
…
chercher le noir
dans l’enchevêtrement des lianes
d’une langue inconnue
et qui pourtant
occupe notre bouche
…
les doigts qui
tentent de lire
ressemblent à des fragments de cordes
noués
pas de mots
pour irriguer la voix
on verse l’encre
sur la terre
poussiéreuse
…
pourra-t-on attendre
l’éclosion
des fleurs noires
de la nuit ?
miroitement sur
cristaux
d’obsidienne
…
on heurte aussi
la porte
du puits d’absence
6.
préparer un
bagage de cendres
courroies que l’on noue
sur les épaules
un arbre s’incline
en amont
du crépuscule
…
dans l’obscurité
on entend de lourdes
semelles
s’écorcher
contre les pierres
…
boire
la sueur sombre
de la lune
chercher l’étoile
dans l’encre opaque
est-elle reflet
à boire ?
est-elle braise ?
et nous brûlons nos gorges
au feu de nuit
nous brûlons nos mains
à quelques traits noircis
au bout de
l’infime brasier
d’un mot
…
un filigrane
silencieux
tombe à terre
où se froisse
le linge
du muet
7.
un peu de craie
plâtre perdu
frottés
ont dessiné
fragment de ciel
blanc
dans la nuit
silence au fond des yeux
…
derrière la page
on se demande
quel est l’envers du blanc
…
brume sur mots
effacés
voir
est une pâle
obscurité
…
on piétine des soies d’écume
on boit
la vapeur noire
de la terre
pourra-ton empierrer
toutes les ornières
des sentiers détériorés ?
…
qui entend encore
le défilé
des pas rompus ?
8.
on voudrait recueillir
la sève obscure
coulant de
la langue
frappée sur
l’estrade de la mort
…
on regarde un sang de rivière lente
bitume ambré
berges englouties
…
mais bâtons
ne seront plus
que pailles blanches
portées au front
…
s’élever dans
envol d’oiseau nocturne
dans
déchirure soudaine
d’une page
désintégration de
l’aride peau d’écorce
tatouée par
imprononçable
nom
(août 2017)
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