Écrits poétiques

ÉCRIRE...

 

écouter

dans la forêt des sons

quelque chose racle

silencieusement

la gorge

 

tendre la main

 

sans voir

recueillir une poignée de notes

quelques syllabes

deux trois mots

serrés ensemble

 

les poser sur

la langue

les faire tourner

dans la bouche

les parois sombres

de la bouche

 

cette sombre danse

des mots

inentendus

mais mâchés remâchés

éveille un suc

interne

mouvements souffles

matières lentement

mouvantes

 

c'est

sur le bout de la langue

qu'une image prend forme

parfois chatouille

longtemps

 

puis elle se lie

aux deux trois mots

posés ensemble

en avant de soi

 

 

 

un obscur de sens

invisible

se met à trembler

s'attarde longtemps

dans l'ombre

 

mais c'est cela

qui vibre

dedans

cela informe

qui devient sève

montante

emmène dans son flux

 

d'autres

mouvements souffles

matières

lentement mouvants

... images presque

 

parfois une voix

 

soudain on sait

impalpablement

 

on sait :

quelque chose feuillette

un récit

au-dedans de soi

 

une chose vibre de

toutes choses

qu'elle est

 

un mot murmure

toutes les voix

qu'il porte en lui

 

on sait

que quelque chose

s'est dit

 

on ne dit pas

 

on ne peut

immobiliser :

ce serait

empailler le corps

 

                                      3 avril 2020



En cours en 2023 :

Qu'est-ce qu'un paysage ? 

 

Introduction

___

 

 Comment les lieux deviennent-ils paysages ?

 

 

Un paysage requiert des yeux pour le voir, des mains pour l’écrire, peut-être, le modeler de mots.

 

Les lieux sont tout autres. Ils n’en n’ont que faire de nos yeux, de nos regards. Si on veut écrire, à leur propos, on le fait de mémoire. Les mots sont simples : pierres, arbres, lumières…

Les lieux sont des matières.

 

 

 

Voir… un paysage. Observer. Contempler.

D’emblée, les partitions des temps sont instables, les lignes se mêlent.

On a perdu la notion des directions.

Les temps in-existent.

 

Aujourd’hui, hier, demain, la montée du soir ou de la lumière, musiques, sons, couleurs, réminiscences… tout cela glisse sans heurt d’un fil à l’autre.

 

 

 

Qui est venu là et voit… ses regards se sont voilés, chargés de présences et d’absences.

Le paysage a convoqué des corps multiples en un. Il est pris dans des flux et des reflux de temps, d’images, d’organes…

 

Les gorges, les bouches qui voudraient dire, … les mains… écrire, sont égarées dans les brouillards.

Çà et là, des minéraux miroitent.

 

Des lignes, des formes ne parviennent à naître tout à fait, recouvertes déjà par d’autres lignes, d’autres formes.

 

Il y a des irrégularités de sols, des sillons de terres labourées, du papier fin et translucide que le regard traverse.

Les encres sont rares.

Des mots tombent. On dirait des gouttes de pluie que le vent a éparpillées, tombées sur un sol sec.

 

Parfois la nuit recouvre.

 

 

 

Mais on peut, d’un doigt, suivre les horizons, leurs traits fragmentés, hachures, masses compactes, taches intermittentes…

 

Écrire est lent sur les fibres et dans l’humus qui nous sert d’étoile.

 

Sur la patine des pierres, remuent des reflets et des échos.

 

 

 

Il est advenu que toutes les peaux et les lignes entre les choses sont tombées.

 

 

Les paysages sont indicibles. 


Poèmes (voir les titres ci-dessous) :

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